Trio Lalisse Soler Chabasse
Ce trio a vu le jour en 2010. Il est issu de la rencontre de trois musiciens expérimentés, Sebastien Lalisse au piano, Alain Soler à la batterie et Olivier Chabasse à la contrebasse, désireux de travailler ensemble le jazz et la musique improvisée. Avec comme matière première les standards du jazz, le trio Lalisse/Soler/Chabasse propose un voyage artistique singulier où la tradition fleurte, souvent de façon surprenante et heureuse, avec une modernité raffinée et affirmée. Un répertoire de compositions originales a fait récemment l’objet d’un enregistrement en public au Théâtre René Char à Dignes.
- Sébastien Lalisse (piano) ;
- Alain Soler (batterie) ;
- Olivier Chabasse (contrebasse).
À René Char
Se mettre à l’ombre de René Char pourrait sembler paradoxal lorsque l’on sait que le poète, né sur les bords de la Sorgue, non loin de celles de la Durance, était un homme de feu.
Et s’ils se sont mis à l’ombre, les musiciens, ce fut tout simplement pour se retrouver à l’intérieur d’une salle qui porte son nom. On aurait pu en rester là.
Mais s’ils ont choisi plusieurs titres de poèmes de Char pour baptiser quelques-unes de leurs propres compositions ou improvisations, c’est bien pour faire crépiter cette flamme intérieure qui les anime et les nourrit.
Et comme l’on s’assoit autour d’un feu, ils se sont installés en triangle parfait, laissant un « diable » sortir des flammes pour les attiser. Mais ça, c’est pour la fin.
Album
À René Char (LabelDurance / Orkhëstra – LabDurTLSC112011), dernière production du Label Durance, est le premier album du trio.
Les débuts avaient eu lieu huit mois plus tôt, lorsque cet insatiable rassembleur de forces qu’est Alain Soler décida de mettre en lumière le singulier talent de Sébastien Lalisse, musicien et pianiste toujours surprenant et inspiré, quel que soit le contexte.
Inspiré par le son des accords qu’il aime explorer, déplacer, reconstruire, voire « désaccorder » – je l’entends parfois comme un enfant issu de l’impossible mariage entre Thelonious Monk et Bill Evans, mais sans doute dois-je m’égarer…
Sa musique est délicate, méditative, parfois fragile et retenue, son jeu allie la précision de la note à la résonance de l’instrument (il joue aussi de l’orgue) en un parcours toujours inattendu. Il n’hésite pas à sautiller avec de légers triolets pour, tout d’un coup, se heurter à un grondant cluster. Puis il insiste, répète plusieurs fois un mouvement avant que les mesures ne s’allongent, le temps restant en suspens…

Ce qui transparait immédiatement à l’écoute de ce trio, c’est qu’il n’est pas constitué d’un piano qu’accompagnent une contrebasse et une batterie, comme c’est le cas la plupart du temps. Il s’agit d’un parfait triangle équilatéral – on en revient au placement – où chacun regarde et écoute à la fois à droite et à gauche. Pour preuve, lorsque, à tour de rôle, chacun des trois angles, Olivier Chabasse, Sébastien Lalisse et Alain Soler, improvise en solo, on sent la présence des deux autres points, c’est frappant.
Cet équilibre instable et pourtant ferme n’est pas rompu lorsque Raphaël Imbert surgit au beau milieu de ses camarades qu’il entraîne en une libre improvisation rondement menée et assumée.
À ces improvisations et compositions, s’ajoute le choix malicieux de trois chansons du répertoire populaire américain : Look For The Silver Lining (1919), Skylark (1941) et, entre les deux, ce Brother Can You Spare a Dime datant de la grande dépression (1931), que Raphaël aborde dans un « vieux style modernisé » à la Roland Kirk ; Sébastien exécutant le grand écart entre un jeu « classique » (parfois presque garnérien) et de réjouissantes dissonances.
On pourra parler de liberté et de discipline, ou appeler ça de la musique, tout simplement.
Jean Buzelin (avril 2011).
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